Méditerranée, terroir divin : Reportage France 2018 / Pyrénées-Orientales – 4-6 juin 2018 – Texte : Laurence Crinquant – Photographies : Claude Cruells

 

 


 

Une petite expédition en terre catalane, deux grandes rencontres

 

 


 

Entre notre reportage en Italie au printemps et celui en deux temps en Provence au début de l’été, nous nous imprégnons de nos paysages de proximité. Si notre région d’Occitanie nous est familière, elle n’en reste pas moins riche de merveilles et de mystères. Nous décidons d’explorer quelques contrées chères à notre catalan de photographe et d’aller à la rencontre de deux personnages d’envergure, qui, chacun à leur manière, sont des conteurs exceptionnels, gardiens d’une mémoire plusieurs fois centenaire.

Notre première rencontre a lieu à quelques kilomètres d’Opoul-Perillos. La commune est la plus septentrionale des Pyrénées-Orientales et se trouve en plein cœur de la région naturelle des Corbières. Collines de calcaire et végétation de garrigue « fine » n’inspirent pourtant pas la désolation malgré l’isolement du site que nous voulons photographier. Elles évoquent plutôt un minimalisme apaisant et un ascétisme essentiel dans cette région où l’eau vient souvent à manquer en saison chaude. Le ciel est chargé. L’obscurité estompe petit à petit les contours du paysage. Seules les ruines du Château de Salveterra, aussi appelé Château d’Opoul, semblent opposer une résistance aux assauts du crépuscule.   Les précipitations des dernières semaines rendent affolantes les senteurs de la garrigue. Après avoir essuyé quelques revers, nous arrivons un peu trop tard pour faire la connaissance de notre premier témoin. Nos téléphones portables ne « passent » pas. Pas de technologies à portée de main. C’est suffisamment rare lors de nos expéditions, pour que nous savourions cette connexion avec la nature, et ce, sans interférences.

 

 

 

Au petit matin, nous voici face au sujet de notre reportage, dressé au milieu d’une magnifique vigne de Grenache. Il s’agit d’un très vieux genévrier cade. Il aurait plus de mille ans ! Cet arbre vénérable dégage une puissante tranquillité et, malgré son tronc supplicié par les outrages du temps et des temps, il impressionne par sa vigueur et sa juvénilité. L’effet est renforcé par le vert intense de son feuillage en aiguilles, si dense que peu de lumière y filtre. Il ne fait pas si chaud en cette fin de printemps, mais nous imaginons aisément le parasol naturel qu’il a pu offrir siècle après siècle, à tous ceux qui tentaient d’échapper au soleil implacable de l’été. Cette matinée de prises de vues s’écoule sous les meilleurs auspices. Le ciel tourmenté et la lumière qui y perce déclinent leurs plus belles combinaisons et nous offrent des compositions époustouflantes. Nous contemplons une dernière fois ce nouvel ami arbre et considérons son incroyable résilience. Inéluctablement, dans 20 ou 30 ans, nous aurons bien changé, mais lui sera probablement toujours aussi robuste. Nous le saluons, et nous engageons à revenir en d’autres saisons.

Vignobles de la Côte Vermeille

Prochaine destination : la Côte Vermeille… Nous sommes tout au sud des Pyrénées-Orientales, là où le massif pyrénéen rencontre la Méditerranée. Entre mer et montagne, ce site combine tous les extrêmes et offre d’étonnants contrastes en cette saison. Au feuillage verdoyant et éclatant de ses vignobles s’opposent des sols schisteux d’ocre et de rouille, une Méditerranée d’un bleu intense et un ciel encore plus tourmenté que les jours précédents. En ce mois de juin, les genêts foisonnent, les coquelicots abondent et tout cela intensifie savamment la disparité du tableau ! Une averse prévisible nous laisse trempés lors de nos repérages du soir en quad, mais nous bénéficions encore une fois de belles offrandes de la nature pour nos prises de vue matinales. Nous sommes au cœur d’un des plus beaux vignobles du monde et sa culture mérite légitimement la qualification de viticulture héroïque.

 

 

 

 

 

 

 

C’est Yvon Berta, figure emblématique de Banyuls, que nous avons choisi pour témoigner de ce splendide terroir et de son histoire. La cave du domaine Bertha-Maillol serait la plus ancienne du Cru Banyuls encore en activité. Selon Yvon, un de ses ancêtres aurait en effet vinifié dans la cave en 1611. Petit neveu du sculpteur Aristide Maillol, ce vigneron est un homme d’action et ses 81 printemps n’ont entamé ni sa débordante énergie, ni ses talents avérés d’orateur. Barbe et chevelure exubérantes, œil bleu et vif, voix grave captivante et verbe à la fois soigné et truculent, Yvon nous embarque avec lui au gré des souvenirs et des anecdotes. Nous sommes particulièrement émus de la narration de sa rencontre avec Dina Vierny, muse d’Artistide, et de la résurrection de l’olivette dont elle avait hérité du sculpteur. Cette rencontre est déterminante pour notre vigneron remarquable, qui s’ouvre à la culture et aux arts, et s’engage pour la préservation du patrimoine banyulenc. De cette amitié, de nombreux projets verront le jour, dont la réhabilitation de « La métairie » devenu le Musée Maillol de Banyuls. Jean-Louis, un des fils d’Yvon, se joint à nous. Le goût de la narration semble avoir été transmis de père en fils, héritage précieux. A nos questions, Jean-Louis prend le relais de son père pour nous dessiner un tableau contemporain de la viticulture Banyulencque et en présenter les enjeux.

Nous nous promettons d’approfondir ce sujet, tant il est fait échos aux préoccupations de notre association, sensible aux inévitables changements que doit affronter la profession et aux transformations inexorables qui affecteront ces magnifiques paysages méditerranéens. Nous reviendrons bientôt, lors des vendanges, pour observer et transmettre le travail des hommes dans ces vignes escarpées.

 

 

Liens utiles :

http://www.bertamaillol.com/Domaine/domaine-berta-maillol

http://www.banyuls-sur-mer.com/fr/decouvrir/patrimoine-culture/musee-maillol

 

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